Avant d’attaquer la question ci-dessus, petit rappel des faits actuels pour ceux ne connaissant pas en commençant par un extrait de l’article de madagascar tribune du 17/02/2014 :
Le 14 Janvier 2014 le site Offshore Magazine SiloBreaker.com annonçait le lancement par Exxon Mobil d’une nouvelle étude sismique sur le bloc Ampasindava. Exxon avait, il faut le dire bénéficié d’un décret d’extension de ses 3 permis signé le 17 juillet par Andry Rajoelina, l’autorisant à la reprise de ses activités d’exploration sur les permis Ampasindava, Majunga, Cap Saint-André. Et Sterling Energy, opérateur pétrolier titulaire du bloc « Ambilobe », annonçait en même temps qu’il pouvait, selon les résultats des nouvelles analyses sismiques à lancer, planifier les premiers forages d’exploration en 2015/2016 sur le bloc « Ambilobe » qui jouxte le précédent. Les programmes d’acquisition 3D devant permettre de confirmer le potentiel des sites de forage identifiés.
Les faits
Au beau milieu géographique de ces blocs et de cette zone bloc d’exploration pétrolière : Nosy Be, icône de notre tourisme Sea Sun & Sun, dont la réputation « d’Île aux Parfums » lui a valu de voir son nom détourné par une franchise de parfumeries. Mais au royaume de l’absurde, on n’a pas tout vu. À 100 kms au sud de Nosy be, on trouve l’un des DEUX SEULS Parcs Nationaux Marins malgaches, à savoir le parc national Sahamalaza. À la lisière de cette réserve marine : le Bloc « Ampasindava » . Et au cœur de ce bloc Amasindava détenu par Exxon, le champ SIFAKA aux réserves (de pétroles cette fois) estimées à 1,2 Milliards de barils…. Fin extrait.
Plusieurs mois ce sont passés et aujourd’hui l’exploration est prévu non loin des côtes de Nosy Be, le dossier complet d’Artelia est disponible ici, mais je vous fait un petit résumé que je me permet de critiquer / compléter : L’opérateur Sterling a pour projet de réaliser une étude sismique au sein du bloc Ambilobe qui occupe une surface d’environ 17 650 km², de la péninsule d’Ampasindava (limite Sud) au Cap Saint Sébastien (limite Nord), soit à moins de 50km des côtes de Nosy Be (voir carte dans le page 3) d’ici la fin d’année 2014 pour une durée de 2 à 6 semaines.
Campagne sismique, qu’es que c’est ?
L’acquisition sismique consiste à envoyer des ondes acoustiques (sous forme d’air comprimé) vers le fond marin depuis des sources d’énergie tractées derrière un bateau et à récupérer à l’aide d’hydrophones tractés derrière le même bateau les ondes qui se réfléchissent sur les différentes couches géologiques avec des fréquences sonores utilisées généralement inférieures à 128 Hz.
Ce qu’il faut savoir sur ses campagnes :
Pour cette fin d’année nous auront encore les baleines à bosses, les requins baleines ainsi que les dauphins sans oublier la faune et flore habituelle. Nos 3 amis ci-dessus se repèrent grasses aux ondes sonores, comment pensez-vous qu’ils vont subir cela ?
En effet les études effectuées par IFAW et d’autres organisations environnementales ont établi un lien entre ces nuisances sonores d’une grande intensité et les événements d’échouage massif. Les canons à air utilisés par l’industrie pétrolière entraînent un martèlement suffisamment puissant pour couvrir les cris des baleines sur des milliers de kilomètres à la ronde et peuvent de fait empêcher ces animaux de communiquer et de se reproduire. De tels bruits peuvent également les pousser à abandonner leur habitat et à cesser de chercher de la nourriture sur de grandes distances. Si les animaux sont à proximité de la source sismique, celle-ci peut même provoquer des pertes d’audition et des traumatismes auditifs irréversibles. Les ondes sonores se déplacent cinq fois plus vite et sur des distances bien plus importantes dans l’océan que dans l’air, si bien que les baleines, les dauphins et de nombreuses autres espèces, y compris des espèces de poisson, ont développé leur ouïe pour augmenter leurs chances de se reproduire et de survivre dans ce milieu. Source
Ainsi nous nous dirigeons à vivre des échouages qui ont déjà eux lieux en 2008 (A l’époque un groupe d’experts indépendants a démontré le lien possible entre l’émission de bruit sous-marin et l’échouage massif de dauphins d’Electre sur l’île de Madagascar en 2008. En mai et juin 2008, une centaine se sont échoués dans le système lagunaire de Loza, sur la côte nord-ouest malgache. Source – Source 2) et sur moyen – long terme il est possible aussi qu’ils changent d’itinéraire et ne reviennent pas à Nosy Be.
Afin de prévenir tout impact sur les mammifères marins, plusieurs mesures sont proposées par Artelia (détail page 26 du dossier), très jolie sur le papier mais absolument inutile. Prenons l’exemple de la surveillance visuel depuis les bateaux et coupure des canons à air si vu. Allons, une baleine à 30m sous l’eau ne sera pas visible ! Et même à 5m, combien de bateau faudra t’il pour qu’aucune ne passe ? Avec toute la bonne volonté du monde c’est humainement impossible. Ce point ne remet pas en cause l’exploration bien sûr mais la période ! Les baleines à bosses étant présent de juillet à Novembre et les requins baleines de Novembres à Janvier, cela laisse de Janvier à Juin pour l’exploration, ainsi une première raison de ce rassembler avec de faire changer cela.
Les principaux récifs à proximité de la zone d’emprise de la campagne d’exploration de Sterling sont les suivants :
J’ai voulu lister mais la liste est tellement longue, au final c’est tout l’archipel de Nosy Be, partant de Iranja jusqu’au Mitsio ! Au total, la zone d’étude comprend environ 80 petites îles, correspondant à une surface de terres de plus de 15 600 ha. On recense dans la zone d’études les aires protégées suivantes :
- AMP de l’archipel de Nosy Mitsio-Tsarabanjina (projet à 29km) ;-
- AMP de Nosy Iranja – Ankazoberavina – Baie des Russes (à 48km de la zone de projet) ;
- AMP de Nosy Hara.
D’autre part, Le bloc Ambilobe offshore comprend deux sites potentiels pour les aires protégées :
- Le complexe Ambaro – Mitsio – Nosy Be (légère interférence de la zone de projet);
- Le Cap Anorontany.
Sur les 30 espèces de cétacés répertoriées dans les eaux malgaches, beaucoup sont considérées par l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) comme espèces menacées ou en danger, et toutes sont rigoureusement protégées par la loi malgache. La présence d’environ 20 de ces espèces est connue ou supposée dans la zone d’étude.
Que dire sur cette liste et cette carte ?
Toute la partie en vert est envisageable, ainsi le futur est clair si nous acceptons cette première exploration / exploitation au nord. Pouvez-vous imaginer venir en vacances à Nosy Be, aller sur l’île de Tanikely, Sakatia ou encore Iranja et avoir comme paysage de fond une station pétrolière ? Perso ce n’est même pas envisageable, je vais ailleurs !
Les risques de l’exploitation en soit
Ce dossier n’en parle pas. Tout ce dossier parle uniquement des risques de la prospection mais ne parle pas des risques futur de l’exploitation, ainsi parlons-en. Pour ceci je reprends la section de sololiya.fr qui est plus que complète:
Les déchets du forage sont composés de fluides, de déblais et des eaux de production. Une plateforme de production peut rejeter environ 60 000 m3 de fluides de forage et 15 000 m3 de déblais de forage après le forage moyen de 50 gisements exploratoires.
Les déchets, imprégnés de produits toxiques et d’hydrocarbures sont souvent rejetés en mer. Ceci à des conséquences sur la faune environnante, sur les sédiments marins et les écosystèmes côtiers.
Sur la faune environnante
Des analyses ont montré une accumulation d’hydrocarbures dans les organes et les tissus de poissons et des invertébrés dans les zones où les industriels rejettent les fluides. En raison de leur forte toxicité, des pays comme la Norvège ont établi des lois sur leur utilisation.
Les rejets provoquent une augmentation de la turbidité de l’eau de mer. Ce qui provoque des dommages physiques aux organes de filtration et de respiration des animaux marins. De plus, des cancers chez les poissons et particulièrement chez les organismes benthiques ont été reliés directement à la pollution provenant des installations de production pétrolière off-shore.
La présence d’hydrocarbures dans l’eau marine favorise l’apparition de nouvelles bactéries se nourrissant du pétrole, modifiant la biodiversité initiale. Une étude norvégienne a montré récemment qu’à faible dose les hydrocarbures aromatiques polycycliques provoquent la féminisation des poissons mâles. La conséquence directe est la diminution de la fertilité.
Sur les sédiments
Les polluants qui sont rejetés dans la mer se fixent sur les sédiments marins et en modifient ainsi les composés chimiques et les caractéristiques physiques. Ce qui peut provoquer une baisse du nombre et de la diversité des espèces qui vivent sur et dans ces sédiments. Ce phénomène peut être constaté dans un rayon de deux kilomètres autour de la zone de forage.
Sur les écosystèmes côtiers
Les écosystèmes côtiers sont sensibles à la quantité de pétrole et aux autres déchets venant de la plateforme pétrolière, notamment en cas de déversement accidentel.
Les écosystèmes les plus sensibles sont les marais, les mangroves, les vasières, car ce sont des zones abritées. Ainsi, les particules contaminées s’accumulent dans le sol et peuvent y demeurer une dizaine d’années. Ceci a pour conséquence de retarder la réhabilitation de ces écosystèmes. Par contre, dans les zones exposées et soumises aux fortes vagues, dans les zones d’eaux profondes, les polluants sont dilués plus rapidement. Toutefois, la pollution aux hydrocarbures des écosystèmes côtiers a pour conséquence directe une diminution de l’effort de pêche. En effet, leur fonction de nourricerie pour les espèces de poissons est considérablement altérée.
Sur la pêche en mer
La réalisation d’un forage peut limiter les zones de pêche et baisse l’effort de pêche car, la faune marine s’éloigne des zones prospectées, de plusieurs kilomètres.
Les professionnels de ce secteur ne sont pas toujours consultés pour l’attribution de permis de recherche sur le plateau continental, et ils perçoivent rarement des compensations pour le manque à gagner éventuel.
Tourisme ou pétrole, il faut choisir
Je pense que nous sommes d’accords que le tourisme va pâtir d’une exploitation touristique ? Mais après tout, le tourisme est un secteur parmi tant d’autre, ainsi pourquoi ne pas changer de secteur et choisir celui-ci si il est plus rentable que le tourisme ? La question est naturelle et mérite approfondissement !
Aucun de nous n’est devin, cependant nous pouvons tout de même comparer avec ce qui ce passe ailleurs dans le monde, alors, quels sont les pays qui exploitent du pétrole ?
Parmi ceux-ci, nous ne pouvons nous comparer à la Russie, l’Arabie Saoudite, Norvège, France, Chine qui ont un gouvernement ainsi qu’une politique solide et stable pour la protection comme le développement du pays, il nous faut comparer ce qui est comparable, ainsi comparons nous à nous voisin d’Afrique du Sud.
- Nigeria : N°11 mondial, Exploite depuis 1960, 70% de sa population vit avec moins d’un euro par jour, 30 ans de dépollution pour 50 ans d’exploitation
- Angola :N°14 mondial, La cité pétrolière la plus pauvre du monde (article du 23/01/2014)
- Gabon : N°35 mondial, Exploite depuis 1960 et commence tout juste à s’en sortir, le gouvernement ce bat (article du 14/09/2013), le gouvernement reprend en main le secteur pétrolier (article du 04/07/2013), avons nous un tel gouvernement ?
- Tchad : N°42 mondial, C’est le cas dont j’ai peur pour Madagascar, je vous laisse lire l’article en parlant.
Le bilan de tout ça ? « Il y a 50 ans, la découverte du pétrole était pour le Nigeria une formidable promesse de richesse. On se rend compte aujourd’hui que c’est ce qui pouvait arriver de pire » source
Vous pensez que Madagascar ne se dirige pas vers le même schéma ? Dans ce cas, un cas un peu plus concret, l’exploitation d’ilménite par QMM à Fort Dauphin. La ville principale n’a jamais bénéficié de cette exploitation, c’est une autre ville qui a été construite totalement hermétique et le peuple malgache n’y a jamais rien gagné, du moins pas autant qu’il l’aurait pu. Mais plutôt que je parle, laissons parler les malgaches de fort dauphin. Pour cela je vous invite à visionner :
Ainsi une exploitation de pétrole à Madagascar dans les conditions actuelles donnera selon moi quelques choses comme cela :
Exploration en Novembre = échouage de baleines, requins baleines et dauphins durant la saison touristique = communication négative sur Nosy Be (encore…) = baisse du tourisme (de plus en plus avec exploitation en préparation), soit,
- Les hôtels perdent leur clientèle de plus en plus avec l’exploitation, ils referont leurs vies ailleurs.
- Les prestataires d’activités perdent leur clientèle, les locaux seront bloqués et les expat referont leurs vies ailleurs.
- Licenciement du personnel mais pas d’emplois avec le pétrole, nécessitant des employés qualifiés ce seront uniquement des expats.
- Les pêcheurs perdent leurs acheteurs, les employés pétroliers ne suffiront pas à faire la balance du tourisme.
- Les magasins de tout secteurs perdent leurs acheteurs, les employés pétroliers ne suffiront pas à faire la balance du tourisme.
- Le gouvernement malgache perd les devises du tourisme mais gagne les taxes du pétrole ainsi est fortement gagnant.
Ainsi pour ceux qui disent que nous défendons notre gagne-pain, c’est aussi vrai, mais pas l’essentiel. C’est toute une économie qui va s’effondrer sans remplacement. Et ceci n’est pas une possibilité mais malheureusement bien ce qui nous attend comme nous avons pu le voir dans les comparaisons plus hautes. Tout ceci sans oublier le risque de marée noir
Et que ceux qui croient que 100 kms d’éloignement permettront de préserver nos joyaux du Nord Ouest, tels que les réserves naturelles de Lokobe (Nosy Be) ou le Parc National Marin de Sahamalaza se remémorent les surfaces polluées par les catastrophes d’Ixtoc (600 000 tonnes de pétrole brut – 1979), du Torrey Canyon (119 300 tonnes – 1967), de l’Amoco Cadiz (228 000 tonnes – 1978), de l’Exxon Valdez (avec 40 000 tonnes -1989), l’Eagle Otome (17 millions de litres de pétrole libérés – Août 2009)… En février 1980, le naufrage du pétrolier malgache le Tanio, déverse face à l’ile de Bats en Bretagne ses 17 000 tonnes de brut et souille 200 kms de côte bretonnes. Extrait de Madagascar tribune.
Pour conclure cette « analyse »
Que ce soit le tourisme, le pétrole, l’agriculture ou quoi que ce soit, Madagascar a toutes les ressources nécessaires pour s’en sortir haut la main, cependant il faut faire un choix, s’y ternir et le faire dans les règles de l’art. Personnellement je ne suis pas contre l’exploitation du pétrole, je suis contre l’exploitation telle qu’elle se prépare. Ainsi la première exploration officielle doit avoir lieu d’ici la fin d’année, sans parler de nos amis requins baleines, baleines et dauphins qui subiront les ondes sonores, si nous laissons faire sains rien dire ‘économie du tourisme à Nosy Be va subir une nouvelle crise et risque une mort prématurée dans les années à venir sans aucune nouvelle économie en remplacement !
Quoi faire ?
Se rassembler afin de parler d’une seule voie, non pas entre résident mais aussi et surtout avec les malgaches ! Un collectif est déjà en cour rassemblant plus de 1500 signatures dont 80% sont malgaches, pour la plupart pêcheurs, plongeurs et personnes vivant du tourisme mais aussi des spécialistes du CNRO, le représentant des Natifs de Nosy be ainsi que le Président de la protection de l’environnement.
Je trouve que nous sommes à peu près dans le même cas que l’Ouganda, (lire les articles ci-dessous), peut être devrions nous rentrer en contact avec eux ou du moins s’en inspirer ?
- http://fr.cntv.cn/program/journal/20140122/104921.shtml
- http://www.betonabeto.com/virunga_petrole.html
- http://www.souslemanguier.com/nouvelles/news.asp?id=19&pays=148&idnews=83505
« Ingérence » crie certains
Nous (je) sommes résidents à Madagascar depuis plusieurs années et sommes partis pour y rester encore longtemps, ainsi nous sommes concernés et avons le droit (le devoir?) de nous impliquer. Cependant ce n’est effectivement pas notre pays, ainsi nous n’avons pas (et ne pouvons pas) à prendre la décision final, c’est au peuple malgache que reviens ce droit, ainsi nous avons un rôle d’information, à nous de donner toutes les informations nécessaires afin que le peuple malgache prenne cette décision sans s’en mordre les doigts plus tard, ce que fait ce collectif car sur les 1 500 signatures c’est environ 80% de signatures malgaches !
Et vous, qu’en pensez-vous ? Pour ou contre une exploitation pétrolière à Nosy Be ?